jeudi 21 avril 2011

LE MONDE DE FEU GEORGES GARVARENTZ (4)



Ce château, de style renaissance, classé monument historique, est aussi appelé le « Versailles Normand ». De la forteresse élevée au XIIIème siècle, il ne subsiste qu’une motte couverte d’un labyrinthe végétal qui matérialise l’emplacement d’une ancienne tour talutée.
Sur les façades, c’est la ligne verticale, soulignée notamment par la hauteur des baies et des cheminées, qui domine. La décoration est assez chargée : chaque baie, chaque fenêtre, chaque lucarne est surmontée d’un fronton cintré ou triangulaire dont le centre est occupé par un mascaron inspiré des masques de la Commedia dell’arte. On note l’association de trois couleurs : le bleu de l’ardoise, symbole du ciel, le blanc de la pierre, couleur royale, et le rouge de la brique, couleur des empereurs romains.
Le grand escalier d’honneur est entièrement logé dans l’avant-corps. Au niveau inférieur du corps de logis, qui abrite un musée de la reliure exposant des œuvres très anciennes essentiellement religieuses, se trouvent :
Une pièce de rangement dans laquelle on entreposait notamment les bûches et le vin à servir le jour-même ainsi que la cuisine avec sa cheminée monumentale, à l’intérieur de laquelle les cuisiniers pouvaient circuler. Etonnamment un puits apparaissait à l’intérieur où les occupants de la demeure puisaient de l’eau. Une sorte de banc en pierre construit dans le renfoncement des fenêtres permettait de profiter de la lumière naturelle pour effectuer des travaux de couture. Cette salle est directement reliée au premier étage par un escalier de service.
Au second niveau, on découvre successivement :
La bibliothèque dans laquelle on conserve un impressionnant extrait des minutes de l’interrogatoire de Ravaillac, exposé dans une vitrine par ailleurs un beau tableau représentant Marie de Médicis (le grand-père de l’épouse du premier propriétaire fut un de ses ministres) ornemente un mur. Au-dessus de ce tableau, la devise des Montmorency y est affichée. Le carrelage rouge reprenant les différents emblèmes de cette famille (l’aigle, le lion, le trèfle à quatre feuilles au milieu d’une branche de laurier et la croix des Croisés) égaye la pièce.
Le Grand Salon en partie Louis XV, avec, au centre, des sièges recouverts de tissus aux motifs de fables de La Fontaine et de personnages exotiques et, le long des murs, des sièges cannés. Un paravent à quatre pans protégeait des courants d’air la personne installée sur le lit de repos, meuble confortable souvent utilisé pour la conversation. Des lambris, sculptés dans les parties supérieures, agrémentent les quatre murs et le tapis recouvre une grande partie du parquet. La partie centrale au plafond, peinte en bleu, est encadrée par un bandeau d’ornement.
La salle à manger dont le sol carrelé aussi aux armes des Montmorency ajoute une touche plus gaie à la pièce. Les tapisseries et la cheminée ont été apportées au décor bien plus tard.
Les appartements de Madame, dont une chambre dans laquelle on reconnaît un portrait d’Henriette de France, reine d’Angleterre. Le secrétaire trônant dans la pièce était équipé d’un dispositif d’ouverture ingénieux : l’ouverture du cylindre déclenchait le déplacement de la tablette et le retrait de celle-ci commandait la fermeture du cylindre quant au décor un dessus de porte est agrémenté de brins de muguet.
Et enfin un petit bureau.
Le domaine de 80 hectares comprend également :
A l’est, un parc traversé par une longue allée dans le prolongement du château, bordée symétriquement par des carrés de pelouse et, au-delà, par une zone boisée, au nord, des jardins à la française parsemés de statues. Une vaste pièce d’eau entourant complètement le château et la motte féodale qui s’y reflètent, ces sortes de douves sont agrémentées de jets d’eau. A l’ouest, des communs et une ferme situés de part et d’autre de l’allée qui mène du portail à la cour d’honneur.
Après cette délicieuse visite du « Versailles Normand », Jacques et moi reprenions la route. Notre trajet comportait 102 kilomètres jusqu’à notre village isarien. Nous tressaillions de joie consécutivement à ces deux évasions insolites et plaisantes. On arrivait à la « Fourmilière », la vaste étoile incandescente nous avait déjà souhaités « bonne nuit ».

LE MONDE DE FEU GEORGES GARVARENTZ (3)

Cette ville rendue tristement célèbre par « le Barbe-Bleue de Gambais » ou Henri Désiré Landru. Jacques et moi nous arrêtions au « Clos Saint-Pierre ». Derrière la façade rouge de ce restaurant, se cachait une spacieuse salle à manger contemporaine et lumineuse. La grande baie vitrée diffusait la lumière. Quelques clients avaient choisi de déjeuner à la petite terrasse ombragée par un tilleul. Le menu d’été nous avait mis l’eau à la bouche. Une serveuse nous apporta un amuse-bouche pas très recherché, une rémoulade de crabe mais l’entrée bien que froide me semblait sortir un peu de l’ordinaire, un carpaccio de magret de canard entre deux figues. Ce mariage de sucré salé s’avérait goûteux et la saveur envahissait agréablement la bouche. Mon regard avait été attiré par une tenture, accrochée sur un mur, représentant la carte des vins de France. S’ensuivaient des mignons de porc aux girolles et haricots verts assaisonnés d’un jus au romarin. Le parfum de cette plante aromatique rehaussait le goût de la viande et les chanterelles avaient absorbé le jus les rendant délicieuses. Un petit rosé Côte de Provence AOC Château La Moutète accompagnait subtilement notre plat. Le dessert se révélait un peu calorique mais alliait des saveurs plaisantes, un moelleux coulant chaud au caramel escorté d’une crème anglaise. Nous quittions l’établissement vers 14H30 en direction du château de Breteuil-sur-Iton, situé dans l’Eure. C’était la fureur de vivre. La chaleur dans la voiture se faisait nettement sentir. Une mamie au bord de la route vomissait son déjeuner copieusement arrosé, sans doute, sa famille la soutenait dans cette épreuve. Le soleil se réverbérait sur le pare-brise augmentant la température intérieure du véhicule. Notre couple atteignait enfin la ville bretolienne. Au café où nous consommions notre pénultième express, le limonadier nous expliquait qu’il y avait erreur sur la ville. Ce n’était pas le bon Breteuil. Le Breteuil du château se trouvait dans les Yvelines. On lui demandait si un château était localisé dans les parages, il nous proposa Beaumesnil, autre ville euroise. Sur la route, Jacques et moi faisions une halte à la Ferrière-sur-Risle, petite commune de l‘Eure. Le village comporte un mélange harmonieux de maisons en briques et de maisons à colombages.


Sur certaines maisons à colombages, le plâtre entre les poutres est gravé de curieux motifs géométriques.


Nous arrivons devant la halle du XIVème siècle. L’intérieur de la halle est soutenu par une forêt de poutres massives. La rue grande qui borde la halle abrite plusieurs enseignes de commerces qui rehaussent encore l’alternance de maisons en briques et à colombages. Ma moitié et moi buvions notre éternel café avant de poursuivre notre parcours vers ce monument historique. A 17H30, nous parvenions à Beaumesnil.
 

LE MONDE DE FEU GEORGES GARVARENTZ (2)





Le château et sa chapelle, construite en 1733, ont été classés monuments historiques en novembre 1946. Les communs du XVIIème siècle, les douves et le parc l'ont été en 1989. Bien que la propriétaire recevait des subventions de l’état pour entretenir sa demeure, elle refusait de montrer l’intérieur du château. Mon mari se montrait en colère et à la fois déçu car il ne pouvait pas voir le vieillissement de ses restaurations. Notre guide nous faisait comprendre que Georges Garvarentz et sa femme avaient reçu des gens du spectacle mais aussi de la littérature. Ce château rendu célèbre par le décès du poète cubain José-Maria de Hérédia, (1842-1905), dont une plaque commémorative à son effigie a été apposée sur la façade du château en 1935 et à l'occasion du centenaire de sa mort de l’autre côté des douves un liquidambar, bel arbre originaire des forêts tempérées, élégant et majestueux au port pyramidal se parant d’un merveilleux feuillage cuivre, or ou pourpre à la saison automnale, a été planté dans le parc. Le célèbre poème « Les conquérants » commençant de cette manière « Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, » rappelle sans doute de vieux souvenirs scolaires à bon nombre de français. L’illustre poète passa les derniers mois de sa vie ici où il était l’hôte de M. et Mme Georges Itasse, qui aimaient s’entourer d’hommes de lettres et d’artistes. Ils prodiguaient à José-Maria de Hérédia une amitié intelligente et profonde. Aujourd’hui encore, son âme revit dans la seigneuriale demeure Louis XIII (l’exact contemporain de la Place Royale aujourd’hui Place des Vosges à Paris) qui mire ses murailles roses dans l’onde calme des étangs. Son souvenir est attaché à chaque coin de ce parc de quatorze hectares si attrayant dans sa diversité, avec ses arbres séculaires et la tendre verdure du sous-bois, le frais ruisseau qui promène ses reflets verts sous de petits ponts, le murmure des sources cachées sous l’enchevêtrement du chèvrefeuille. C’est dans ce lieu fait pour la rêverie poétique que cet homme de lettres termina son édition des « Bucoliques » d’André Chénier. Il était heureux de rendre un tel hommage à celui qui fut son guide et maître. Ce poète, originaire de La Fortuna, publia seulement quelques cent vingt sonnets en l’espace d’une trentaine d’années et les réunit dans son œuvre « Les Trophées ». Mais c’est l’ancienne chapelle du château qui est le véritable sanctuaire du culte avec lequel est entretenue la mémoire du poète à Bourdonné. Sa toiture d’ardoise, d’une ligne si pure, émerge à peine du lierre qui la recouvre et l’isole au bord de l’eau. Par ailleurs, d’une vive blancheur, elle contraste avec l’ardoise de son toit galbé et de par sa situation introduit une note de fantaisie près du château aux formes octogonales. Les douves entourant le château avaient perdu de leur charme par l’absence de canards et de cygnes comme par le passé mais le fond du parc, afin de donner une note encore plus romantique au cadre, nous dévoilait un ancien temple de l’amour soutenu par six colonnes. Après une visite fort sympathique de cet espace vert d‘où se dégageait une atmosphère de rêve, de paix et d’harmonie nous nous dirigions vers Gambais située à 2,3 kilomètres de notre point de départ afin de déjeuner.

LE MONDE DE FEU GEORGES GARVARENTZ (8 avril 2011)

Ce dimanche 19 septembre 2010, dernière journée du week-end du patrimoine, Jacques me proposa de visiter le château du village de Bourdonné, abritant 480 habitants, situé dans les Yvelines à 73 kilomètres de notre plaisante demeure car quelques années auparavant il avait restauré des poutres peintes Louis XIII. Après les préparatifs, nous abandonnions tout notre petit monde vers 8H30. Notre couple roulait tranquillement, le soleil lui arrivait dans les yeux et on ne voyait pas grand chose. Le GPS nous tremblait sa plainte sempiternelle. Puis Jacques et moi croisions une voiture décapotable ancienne sur la route. Un peu plus tard, nos regards furent attirés par des faisans sur ces jolies petites routes de campagne alors que Jean-Luc Petitrenaud nous enchantait avec ses bonnes adresses de restaurants. Nous traversions de mignons villages sous un ciel azuré sur des routes tortueuses. Enfin, Jacques et moi parvenions à Bourdonné et comme à l’accoutumée, nous prenions un café dans un bistrot campé en bord de route ne nous laissant pas un souvenir impérissable. Notre couple ne s’attardait pas et on filait en direction du château.


Parvenus à cet imposant manoir, les grilles étaient fermées. Nous nous demandions si la visite avait bien lieu. Quelques personnes attendaient avec impatience l’arrivée d’un guide. Puis un sexagénaire arriva et demanda poliment au majordome du château d’ouvrir les grilles. Le monsieur nous fit entrer, se présenta comme un des conseillers municipaux de la commune, passionné par la vie du château. En effet cette impressionnante résidence appartenait depuis 1967 à la famille Garvarentz d‘origine arménienne. Elle avait vu vivre précédemment Monsieur et Madame Georges Itasse et avant eux Monsieur de Narcillac généreux donateur de subventions à l’église et dans la création d’une école de sœurs à Bourdonné. Monsieur Georges Garvarentz, (de son vrai nom Georges Diram Wem) (1932-1993), ne s’était pas avéré monsieur Tout-le-Monde. Il avait été marié à Aida Aznavour, la sœur du célèbre chanteur Charles Aznavour, et s’était révélé, entre autres, le compositeur de chanteurs français mondialement connus tels que son beau-frère, Johnny Hallyday, Sylvie Vartan ou les Chaussettes Noires et avait composé également des musiques de films illustres notamment « Un taxi pour Tobrouk ». Monsieur Garvarentz repose dans une chapelle de famille avec les parents de Charles Aznavour au cimetière de Montfort-L‘Amaury ayant la particularité assez rare en France de posséder encore un charnier dans un très bel état : on y accède par une porte gothique ouvragée. Sur la droite, un texte gravé est un avertissement aux visiteurs : « Vous qui ici passez, Priez Dieu pour les trépassez. Ce que vous êtes, ils ont été, Ce que sont un jour serez ». Cette commune s’avère située à 14,5 kilomètres de Bourdonné. Madame Garvarentz, depuis la mort de son mari, suit souvent son frère Charles dans ses tournées malgré son âge très avancé. Le château, situé sur la route de Houdan, (ville localisée à 6,3 kilomètres de Bourdonné), date initialement du XVIIème siècle et a été agrandi et remanié aux XVIIIème et XIXème siècles.

PLONGEE DANS L'UNIVERS DES CHARTREUX (6)

Nous décidions de retourner à Montreuil-sur-Mer pour consommer un dernier café avant de rentrer. Arrivés dans la ville montreuilloise, on était intrigué par une grande tente sur la place du marché. Beaucoup de bruit y filtrait. D’un commun accord, mon mari et moi pénétrions à l’intérieur et pouvions voir de nombreux spectateurs regarder des personnes participer à un concours de jeu de quilles dont les règles du jeu sont les suivantes :
Le jeu de quille se pratique dans un espace déterminé et conçu à cet effet : le quillier.
Au bout du pas de tir, il y a, au sol, un carré de béton dans lequel ont été coulés neuf plots en fer qui servent à poser les neuf quilles (en bois).
Chaque quille a un emplacement particulier, numéroté. Mais toutes ont la même valeur : 1point.
A partir d’une marque sur le sol (« la dache ») sur le pas de tir (à 6 m environ du carré), le joueur lance une boule en bois (« le boule ») de 8 à12 kilos en espérant faire tomber le maximum de quilles. Après chaque lancer, on relève les quilles.
Une personne note les points au fur et à mesure. Le nombre de lancers est lui aussi réglementé ; en concours de quadrettes (équipe composée de 4 personnes s’opposant dans les concours collectifs) chaque joueur fait 3 lancers d’affilés à 2 reprises.
Il y a toujours trois types d’acteurs dans le jeu :
- le joueur individuel ou en équipe (le plus souvent 2 équipes qui s’opposent),
- le releveur de quilles,
- la personne qui note les points.
Au moment du lancer de la boule, que ce soit pour son équipe ou pour les adversaires, même le silence est perceptible. C’est cela les quilles !
Un joueur est au milieu du pas de tir, il vient de lancer, le bruit lourd de la boule rebondissant sur le sol résonne, s’ensuit le bruit plus sec des quilles qui s’entrechoquent en tombant, il regarde les quilles et fait une grimace ; il le savait déjà au moment où il a lâché « le boule » : le lancer n’était pas bon. Quatre quilles seulement sont tombées. Les « requilleurs » les ont déjà remises en place et le marqueur a noté sur la feuille le résultat du lancer. Cela pourrait faire perdre son équipe ! « Le boule » est déjà revenu en glissant sur le « relance boule » jusqu’à lui. Il pose son pied sur la dache, avance d’un pas et, d’un geste sûr, il envoie à nouveau la boule vers les quilles. Puis retentissent des éclats de voix.



Nous abandonnions cette ambiance animée pour rejoindre le café « Le Vauban » où certains participants du concours du jeu de quilles fidèles à la coutume du nord de la France buvaient, rebuvaient et rebuvaient encore de la bière en famille. Les gens étaient bruyants. Ils parlaient du concours et des coups malheureusement ratés. Ces montreuillois semblaient d’un milieu assez défavorisé et faisaient un peu peine à voir. On délaissait cette atmosphère typique pas-de-calaisienne et rentrait par des chemins de pluie dans un soir cheminant. La route s’avérait encore longue, 147 kilomètres à parcourir dans des conditions déplorables mais notre couple avait vécu des moments vraiment exceptionnels. Pendant le trajet, des images fortes de La Chartreuse défilaient dans notre tête prenant le pas sur le paysage au ciel bien bas et lourd ! 

PLONGEE DANS L'UNIVERS DES CHARTREUX (5)

L’ordre des chartreux a été fondé en 1084 par Saint-Bruno dans le massif alpin de la Grande Chartreuse située dans le département de l’Isère. Ordre contemplatif, il vit en autarcie. A la Chartreuse, les moines passaient le plus clair de leur temps dans leur cellule. Ils partageaient leur quotidien entre la prière et l’étude de textes religieux. Les pauses sustentatrices s’effectuaient au sein de leur cellule. La cellule pouvait s’apparenter à un petit studio



comprenant une chambre, un coin toilettes disposant d’un seau en faïence de Delft et une réserve à outils et à bois, leur seul mode de chauffage. Un jardin leur était alloué dans lequel le religieux cultivait des simples et des plantes aromatiques ou médicinales. La cellule du père se révélait plus spacieuse. Son unique moyen de communication avec les autres frères s’avérait par courrier. Le moine déposait dans une boite attenante à sa cellule ses demandes en tout genre (comme par exemple l‘emprunt d‘un livre de la colossale bibliothèque). Les religieux sortaient de leur cellule pour participer aux offices. D’un côté, les frères séparés par une porte des pères. Le dimanche se révélait la deuxième occasion où les moines quittaient leur cellule. Ils déjeunaient au réfectoire en silence pendant que le père prieur lisait un chapitre de la règle de l’ordre. L’après-midi, les religieux avaient l’usage de la parole pendant deux heures et jouissaient du droit de partir du prieuré afin de se rendre dans les villes avoisinantes. Les décisions importantes se prenaient dans la salle des chapitres. Chaque moine consultait, chaque jour, ses propres tâches à accomplir sur un tableau. Un frère devenait père au terme de sept années. Néanmoins, la communauté s’avérait constituée de moines du cloître (ceux se destinant au rôle de père), de moines convers (faisant exactement les mêmes vœux que les Pères) et de moines donnés (ne prononçant pas de vœux mais, pour l'amour du Christ, se donnant à l'Ordre par un engagement réciproque. Au bout de sept ans, ils pouvaient s'engager définitivement ou entrer dans un régime de renouvellement triennal de leur donation.). C’est un des rares monastères où les numéros de cellules sont remplacés par les lettres de l’alphabet. Lorsque le religieux parvenait à la cellule Z, il avait presque atteint la fin de son parcours terrestre et allait bientôt rejoindre avec félicité et, sans aucun doute, la paix dans l’âme son Père céleste. N‘était-ce pas la quête de toute sa vie ? Cette pièce portant la dernière lettre de l’alphabet m’évoquait la chanson de Jacques Brel « Les vieux » parlant de la pendule d’argent qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit aux vieux je t’attends. Cette cellule donnait en face d’une chapelle mortuaire. Un coin du parc se révélait la dernière demeure du moine. Il était enterré dans sa robe de bure, dépouillé de tout artifice. Aucune inscription sur la modeste croix en bois, en toute humilité, même pour le plus illustre d’entre eux. Chaque corps s’avérait empilé l’un sur l’autre. Lorsque la croix se révélait décomposée, un nouveau religieux pouvait être enseveli. Au détour des longs couloirs d’une blancheur extrême et d’une grande sobriété conduisant aux différentes salles du monastère, une extrême sérénité se dégageait et la notion du temps s’était évanouie. Au cours de notre exploration du monde cartusien, la pluie traversière nous avait surprît mais cette averse était de mise en cette saison. Jacques et moi quittions La Chartreuse la tête dans les nuages mais sous le déluge.

PLONGEE DANS L'UNIVERS DES CHARTREUX (4)

Au terme de dix minutes de route, Jacques et moi parvenions à La Chartreuse.


. A l’intérieur d’une grande cour verdoyante, surgissait un imposant édifice. Une jeune guide allait nous en raconter son histoire. La Chartreuse de Neuville sous Montreuil qui se détache sur le coteau face aux remparts de Montreuil, est fondée en 1323 par Robert VII, Comte de Boulogne et d'Auvergne. Au cours de son histoire, le monastère connaît bien des vicissitudes. Il est plusieurs fois saccagé. Le 31 mars 1870, la Chartreuse et la ferme de la basse cour sont cédés aux Chartreux. Ce n'est qu'en 1872 que les travaux de reconstruction débutent sous la direction de Clovis Normand.
L'Église est de nouveau consacrée le 19 octobre 1875 et la clôture est alors rétablie.
Les moines reconstruisent entièrement les bâtiments. Ils y demeurent jusqu'a l'application des lois d'exception de la IIIème République, séparation de l'église et de l'état.
Le 1er octobre 1901, contraints et forcés, les Chartreux s'exilent à la Chartreuse de Parkminster en Angleterre.
Le Monastère est transformé en Hôpital et Clémenceau l'inaugure le 10 novembre 1907. L'Hôpital civil, puis militaire, devient un asile psychiatrique après la deuxième guerre mondiale. En septembre 1990, la commission régionale des institutions sociales et médico-sociales, envisage l'abandon du secteur hospitalier de cet établissement.
Le 28 janvier 1997, l'acte d'acquisition de la Chartreuse de Neuville est signé entre le Centre Hospitalier et l'Association des Corbières, support juridique et financier de plusieurs monastères de Bethléem en France. Règles de vie de cet ordre monastique : les moines de Bethléem prient, travaillent, étudient, mangent et dorment en cellule. A son lever, dans le silence et la solitude de son ermitage, alors qu’il fait encore nuit, le moine ou la moniale célèbre l’office de l’attente pour monter la garde dans la veille du retour de l’Époux qui vient au milieu de la nuit. Après à l’église du monastère, les religieux se rassemblent pour les matines (au milieu de la nuit) suivies des laudes, office chanté, le principal de la journée. A 9h, dans la solitude de la cellule, le frère célèbre tierce qui commémore l’achèvement du mystère pascal pleinement réalisé par l’effusion du Feu de l’Esprit Saint. A midi, c’est l’heure de sexte. Dans la solitude de son ermitage, le moine contemple le Christ cloué sur la Croix. A 15h, c’est l’heure de none. Dans l’oratoire de sa cellule ou de son atelier de travail, il commémore la mort d’Amour de Jésus sur la Croix. A vêpres (aux environs de 19H), la communauté se rassemble à l’église du monastère et loue Dieu pour sa création. L’office de complies (aux environs de 20H), toujours célébré en cellule, est le dernier acte liturgique de la journée. Avant de se coucher, le moine remet son esprit entre les mains du Père, invoquant le Christ pour qu’Il garde son cœur pendant les veilles de la nuit.
L’eucharistie est le sommet, à la fois de la journée et de la vie fraternelle. C’est l’offrande quotidienne au Père du sacrifice de Jésus pour toute l’humanité. Elle est en général célébrée à la suite des Matines ou des Vêpres.
Le dimanche revêt un caractère plus fraternel : un repas communautaire, le spaciement (promenade hebdomadaire, hors de la clôture monastique, réglementée de façon précise par les statuts de l'ordre des chartreux depuis le XVIIème siècle seulement.) et un partage évangélique réunissent les moines. Le lundi est jour de désert : ils ne se rassemblent que pour l'Eucharistie, sommet de la journée monastique.
Depuis le mois d'avril 1999, quelques moniales prient et travaillent en ce monastère, préparant l'arrivée de la communauté.
Le chantier est un énorme défi de par la taille et l'état des bâtiments, par la masse de travail à fournir et par l'attaque inattendue d'un champignon dévastateur, la mérule pleureuse qui endommage les bois et les charpentes.
Les Sœurs ont entrepris d’importants travaux, une chapelle a été édifiée près de l’entrée, les boiseries de la chapelle ont été cérusées.
Ces travaux vont provoquer le départ des moniales, elles sont encore dans les murs de la chartreuse jusqu’au 4 octobre. Elles rejoindront ensuite d’autres couvents plus calmes. Les importants travaux vont se poursuivre et les sœurs espèrent bien revenir rapidement dans les lieux.
De nombreux bénévoles et des associations participent à ces travaux de restauration.
En 2004, le centre hospitalier redevient propriétaire, suite à l'annulation de la vente avec l’association des Corbières.
En 2008 La chartreuse de Neuville est vendue à une société immobilière parisienne. La chartreuse va entamer un nouveau chapitre de sa longue histoire.
Le projet se décompose en trois parties. Le premier volet concerne un ensemble d'hébergements dans les 23 maisons des chartreux et dans les bâtiments encadrant la cour d'entrée. Les futurs propriétaires devront respecter des conditions très strictes afin de préserver l'identité des lieux. Le deuxième volet consiste en la création d'un centre de vie dédiée à la culture dans l'église, les chapelles et la bibliothèque. De grands événements culturels sont prévus en cet endroit. L'histoire des chartreux qui ont occupé l'endroit pendant presque sept siècles y sera détaillée. Enfin, les bâtiments communs situés à l'entrée et sur le côté de la chartreuse seront consacrés à l'enseignement. On évoque des lieux de séjour ouverts aux écoles de la région ou d'Angleterre.

PLONGEE DANS L'UNIVERS DES CHARTREUX (3)

Jacques et moi pénétrions dans le restaurant encore désertique à cette heure, les personnes déjeunant plus tardivement surtout un jour dominical. Un membre de la brigade nous présenta notre table, bien orientée disposant d’une vue harmonieuse sur le jardin. L’intérieur très raffiné demeurait sobre. Une serveuse nous présenta la carte et nous options pour un menu tant pis pour la grouse car elle faisait partie de la carte et s‘avérait dispendieuse. Une mise en bouche nous fut proposée, une canette escortée de sa julienne de légumes assaisonnée d’un aïoli de patate douce. La tendreté de la volaille conjuguée avec le croquant des légumes laissait en bouche une agréable sensation et cette sauce très inventive adjoignait une petite touche sucrée à l’ensemble avec délice. Par contre dans ce restaurant une étoile, un détail me choquait, chacun prenait son pain à la main dans la corbeille présentée par un membre de la brigade. Après un moment assez bref, l’entrée nous fut avancée.


Un lapereau en gelée citronnée accommodé d’une vinaigrette à l’olive noire. La finesse du gibier enveloppé dans cette préparation culinaire à la saveur acidulée rehaussait les arômes du mets affinés par cette note légèrement fruitée d’un produit typiquement méditerranéen. La salade verte nous apportait une touche de fraîcheur. Pendant la petite pause digestive, Jacques et moi feuilletions les prospectus gentiment fournis par le syndicat d’initiative et relevions une Chartreuse localisée à Neuville-sous-Montreuil, à 2,5 kilomètres de notre point de départ, à découvrir absolument. De plus, cette visite s’avérait circonstancielle après ma recollection à la Communauté Saint-Jean. J’étais empreinte de Dieu et portée vers tout cet environnement. Un serveur nous introduisit le plat.


J’avais opté pour le rouget barbet poêlé sur une tranche d’aubergine, coulis de poivrons doux. Le poisson frit avec délicatesse se mariait bien avec ce légume divinement préparé accompagnés d’une sauce à base de ces fruits. Je me léchais les doigts et je me sentais légère. Mon conjoint avait choisi les rognons de veau piqués aux baies de genièvre, purée de panais (racine comestible de couleur blanche et ressemblant au navet, mais au goût plus doux) et jus gras de cuisson. Apparemment, il s’était régalé. S’ensuivit le dessert.


L’entremet framboise pistache et son sorbet m’avait séduite. L’alliance du parfum de ce fruit rouge avec le goût de cette graine explosait en bouche renforcée par l’arôme de la glace à la framboise. Mes papilles vivaient un grand moment culinaire ! Jacques en inconditionnel de chocolat, avait jeté son dévolu sur la tarte tiède au chocolat noir, sauce caramel. Il savourait délicatement son péché mignon ! Nous ne pouvions pas conclure ce repas paradisiaque sans déguster un petit café bien voluptueux escorté de ses petits fours et chocolats maison. Sans conteste, « Le Château de Montreuil » méritait bien son étoile. On quittait l’établissement, aériens et prêts pour nous immerger dans La Chartreuse neuvilloise.

PLONGEE DANS L'UNIVERS DES CHARTREUX (2)



Ville médiévale fortifiée, on se promenait le long des remparts offrant une vue impressionnante sur la cité et souffrions du vertige au bord du précipice d’une hauteur surprenante. Des joggeuses, sans doute coutumières de cet entrainement, couraient accompagnées de leurs chiens. Une caractéristique montreuilloise nous avait frappés, les maisons adossées aux anciens remparts, qui émanait un certain charme. L’heure du repas du milieu du jour approchait et mon époux et moi nous enfoncions dans les voies menant au « Château de Montreuil ». Au détour des rues, s’étaient dévoilées de belles maisons à pans de bois, de petits hôtels particuliers style XVIIIème siècle dégageaient un air romantique et puis on découvrait avec surprise que Victor Hugo, (1802 –1885), de passage à Montreuil le 4 septembre 1837, lors d'un voyage dans le Nord en compagnie de sa maîtresse Juliette Drouet, immortalise la ville en y situant de nombreuses scènes de ses « Misérables ». Notre couple parvenait enfin à l’établissement une étoile.


A l’entrée, une touche d’originalité, des citrouilles arrangées de façon naturelle arboraient fière allure, alors se décelait une élégante demeure.



Poussant la découverte un peu plus en avant, un jardin à l’anglaise s’avérait orné de plantes multicolores malgré l’arrière saison et notre regard fut attiré par une piscine créant cette touche de détente si recherchée dans notre société submergée par le stress.

PLONGEE DANS L'UNIVERS DES CHARTREUX (14 avril 2011)

Le vendredi 1er octobre 2010, Jacques était venu me chercher au Prieuré de Troussures, petite bourgade de l’Oise localisée à 18 kilomètres de notre village, abritant deux cents âmes où j’avais effectué une retraite spirituelle individuelle avec un accompagnement au cours de laquelle j’avais partagé la vie des frères dans la prière et le silence afin d’entrer dans un climat de recueillement, de paix et de faire le point sur ma vie. Dans la voiture, il me proposait de découvrir un nouveau lieu le dimanche à venir.
Le dimanche 3 octobre 2010, notre couple délaissait notre nid douillet vers 8H30 pour nous diriger vers Montreuil-sur-Mer, commune du département du Pas-de-Calais dans la perspective de déjeuner dans son restaurant étoilé « Le Château de Montreuil
» proposant un plat original, « la grouse d‘Ecosse rôtie » ([mot anglais] chair comestible d'un grand coq de bruyère d'Écosse au plumage noir avec des reflets verts, qui vit dans les forêts de pins.). Un ciel d’une couleur plutôt saphir nous accompagnait et la vaste étoile incandescente nous avait déjà présentés ses civilités du matin. Le détecteur de radars nous avait chantés sa mélodie d’accueil pour nous signaler la fin de sa phase d’initialisation. Tout le monde s’avérait prêt pour un parcours de rêve. J’écrivais dans un silence monacal alors que mon époux écoutait les nouvelles et soudain il m‘adressa la parole pour me signaler un écureuil traversant la route. La circulation commençait à naître, quelques voitures roulaient assez vivement. Les arbres s’étaient parés de leurs couleurs automnales, garnis de leur feuillage d’une belle teinte rouge et chaude rappelant les flammes rougeoyantes d’un bon feu de cheminée circonstanciel tandis que certains exposaient leurs feuilles au ton jaune lumineux. Le bercement de la voiture et le ronronnement de la radio me transportèrent avec ravissement dans la planète des songes un petit moment. Puis, je repris contact avec la réalité et mon mari m’annonça que la destination s’avérait presque atteinte. Nous parvenions finalement à Montreuil-sur-Mer à 10H30 et voyions des randonneurs. Pour bien démarrer notre journée, Jacques et moi consommions un petit café dans une crêperie. Nous nous dirigions vers l’office du tourisme afin de connaître les monuments à visiter.

mercredi 20 avril 2011

UN CHEMIN VERS DIEU (8)

Le dernier jour, comme à l’accoutumée, je me levais à 6H, me lavais, m’habillais et rangeais mes affaires dans mon sac de voyage en prévision de mon départ. A 6H30, j’abandonnais mon lieu de retraite dans la nuit pour rejoindre la Communauté Saint-Jean pour l’oraison de 6H45. J’arrivais un peu en avance, trempais deux doigts dans l’amphore et pénétrais dans la chapelle. Je m’installais toujours sur le même banc et remettais ma douce moitié entre les mains de Marie en lui demandant de le conduire jusqu’au Seigneur pour qu’il l’éclaire de sa divine parole et ajoutais N'est-il pas vrai Marie que c'est prier pour vous Que de lui dire « Je t'aime » en tombant à genoux ? Puis je sollicitais ma sainte préférée, sœur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, et lui adressais la requête suivante «  fais pleuvoir des myriades de pétales de roses sur la tête de Jacques pour qu’il sente l’amour si enveloppant du Seigneur ». Puis amorcèrent les laudes, dans ces merveilleux chants a capella donnant l’impression que le monde s’est arrêté de tourner. Je profitais dans son entièreté de cet ultime moment de grâces. Dans l’allégresse, je longeais les murs intérieurs du prieuré pour rejoindre le petit réfectoire où une bonne odeur de café exhalait comme chaque matin. Je prenais mon petit déjeuner dans la solitude savourant une dernière fois la bonne confiture maison réalisée avec les fruits du parc. Je faisais ma petite vaisselle et un peu de propreté puis regagnais mon lieu de retraite. Arrivée dans ma chambre, je retirais les draps du lit, nettoyais la salle de bain et passais l’aspirateur avec un pincement au cœur de quitter cet endroit m’ayant fait vivre l’espace d’un instant mon vœu le plus cher, celui de rentrer dans les ordres. Je retournais à « Notre Dame de Cana » déposer une prière sur le livre dans l’espace où le silence est de mise, remercier les moines pour leur accueil et leur faire mes adieux. A 12H, je retrouvais mon époux à l’entrée du prieuré. J’abandonnais Troussures dans une grande paix intérieure sans ressentir le besoin de parler. Sans doute la communion avec Dieu s’avérait toujours présente et intense, elle me dilatait l’âme !

UN CHEMIN VERS DIEU (7)

A 12H50, je sortais de la chapelle imprégnée d’une grande sérénité et me dirigeais vers le grand réfectoire un peu trop solennel à mon goût. Un ouvrier extérieur à la communauté déjeunait avec nous. Le père prieur bénissait le repas puis lut un passage de la charité dans le service apostolique. Les moines questionnaient l’employé sur son métier, il racontait son travail de poseur de tapis, à genoux, seul et dans le silence comme les moines. Cet artisan semblait à l’aise et riait aux plaisanteries des frères. Nous mangions dans une ambiance plutôt décontractée. Un moment donné, un religieux me passa le pot de moutarde. Je l’attrapais par le couvercle, le pot tomba et cassa l’assiette. Le frère me sourit mais je me sentais gênée. Aussitôt frère Innocent remplaça mon assiette en en transvasant le contenu et fit un peu de ménage. Je le remerciais en lui souriant afin de ne pas briser la règle du silence. Puis la conversation dévia sur la religion. Le père prieur mentionna le père Guy Gilbert (En 1970 exerce son activité de prêtre dans la rue et devient éducateur spécialisé pour les jeunes délinquants dans le 19ème arrondissement de Paris. En 1979, Guy Gilbert achète une ferme à la Palud-sur-Verdon dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, « une ruine loin de Paris », pour y installer un lieu d'accueil, la « Bergerie de Faucon » où, avec une équipe d'éducateurs, il tente de réinsérer des jeunes en difficulté, par le travail et le lien avec les animaux.) et un des moines avoua que sa vie au monastère s’avérait consécutive à une rencontre avec le père Guy Gilbert à une période difficile de sa vie. Sans ce partage, il aurait sans doute mal tourné. Un frère récitait le bénédicité. Je débarrassais la table, la nettoyais et balayais le sol. Je remettais à frère Côme Emmanuel le récit de ma conversion. Je remontais à « Montjoie » et reprenais la narration de ma journée. J’entendais taper à la porte. J’allais ouvrir et une moniale apparut. Elle avait accepté de me rencontrer. Nous passions dans la chapelle de « Montjoie » réciter un Ave et partions nous promener au soleil. Je lui demandais de me décrire une journée type des religieuses. Elles se levaient à 5H afin d’être prêtes pour les laudes à 5H30. Les autres offices s’avéraient pratiqués aux mêmes heures que les moines. Les moniales passaient beaucoup de temps à l’étude des textes sacrés. A tour de rôle, elles préparaient les repas. Les sœurs fabriquaient des produits artisanaux dont les revenus subvenaient aux besoins de la communauté tandis que les frères vivaient de dons. Elles se couchaient après les complies. Je lui racontais ma vie, ma conversion, mon mariage religieux et mes différentes retraites. Elle m’expliquait que Dieu m’avait unie à Jacques pour l’amener à lui. Que j’avais cette mission sur terre à remplir. Cette moniale me donnait de précieux conseils à mettre en pratique sur le champ. Cette entrevue durait 45 minutes dans un climat de confiance absolue et de compréhension mutuelle. Je la laissais à son couvent et retournais à « Montjoie » écrire mon journal intime et poursuivre ma lecture de Bernard Martelet. A 17H30, j’abandonnais « Montjoie » pour rejoindre le prieuré. Je croisais frère Côme Emmanuel et sollicitais un entretien. Il me répondit après le dîner. Je m’asseyais sur un banc, méditais quelques instants et atteignais la chapelle pour m’élever l’âme jusqu’à Jésus afin qu’il me façonne à son image. Je lui demandais de me soumettre à sa volonté moi son humble servante, qu’il me soit fait selon sa parole. De vivre en tant que sa messagère ici bas si tel était son plan pour moi. A 18H30, les vêpres débutaient. Comme pour les autres offices, je chantais avec ferveur les cantiques. Mon âme chantait par la liturgie. Le temps s’était immobilisé. A 19H, le Saint Sacrement était exposé. Je plongeais dans une phase d’adoration durant laquelle je ne cessais de louer Dieu. A 19H15, le dîner s’avérait en self. Chacun se servait et effectuait sa petite vaisselle. Après le repas, j’attendais dans l’espace où le silence est de rigueur frère Côme Emmanuel pour notre rencontre. Au bout d’une quinzaine de minutes, il vint me chercher et me fit entrer dans un parloir assez intime doté d’une double porte. Nous nous installions confortablement et je commençais la lecture de ma conversion. Le frère se révélait très ému et me demanda ce que frère Innocent en avait pensé. Je lui racontais les observations du moine et il ajouta que frère Innocent avait raison. Frère Côme Emmanuel écouta avec attention mon texte s‘intitulant « Musique céleste » et il fut transporté dans un autre monde. Ce moine me dit que ma composition était très belle et qu’elle lui rappelait des saints, notamment Saint-Jérôme (est le plus souvent accompagné d'un lion. Il est également presque toujours : soit entouré de livres ou en train d'écrire.). Le religieux me demanda si il pouvait conserver le texte car il lui serait utile et je le lui remettais avec grand plaisir. Nous retournions prier à l’heure sainte pour les dix minutes restantes et chantions le Salve Regina avant de partir nous coucher. Je remontais à « Montjoie » et m’attelais à ma table pour achever le récit de ma journée.

UN CHEMIN VERS DIEU (6)

Après un sommeil divin, le lendemain je me levais à 6H, me lavais, m’habillais, faisais mon lit et abandonnais mon lieu de retraite à 6H30 pour l’oraison (prière intérieure ou de méditation adressée à Dieu ou aux saints) de 6H45. Le jour n’était pas encore levé et une odeur de bouse de vache se diffusait dans l’air car une grosse ferme sise « Notre Dame de Cana » isolée du village à tendance plutôt rurale et des champs s‘étendaient à perte de vue. Arrivée au prieuré, tout était éteint et un grand silence régnait. Je m’avançais à tâtons vers la galerie vitrée afin de monter les marches sans tomber, je rentrais doucement car je pénétrais dans l’espace où le silence est de rigueur. Dans l’obscurité, je me rendais jusqu’au bénitier où je trempais deux doigts et entrais dans la chapelle dans laquelle un moine priait déjà. Je m’installais sans faire de bruit sur un banc et remerciais Dieu pour ces moments privilégiés et lui demandais pardon pour mes mauvaises actions. Je portais dans mes prières ma marraine et ses proches, Guy pour ses problèmes de santé, Laurence pour sa future installation. Je portais le monde entier pour la paix. Je requérais auprès de Dieu du discernement dans ma vie. La journée était sanctifiée par Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (Dés son enfance Thérèse souhaite devenir religieuse. Après l’entrée au Carmel de Lisieux de ses sœurs Pauline en 1882 et Marie en 1886, son père accepte qu’elle y entre à son tour, à l’âge de 15 ans. L’année suivante elle porte l’habit de Carmélite et prend le nom de sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face. Six ans plus tard, en 1894, à la demande de Mère Agnès (Pauline), elle commence à rédiger ses souvenirs d’enfance qu’elle continuera jusqu’en 1897. « Histoire d’une âme » sera publiée en 1898. En Avril 1896, Thérèse a une crise d’hémoptysie. Elle meurt d’une tuberculose le 30 Septembre 1897 vers 19h30. Elle a 24 ans. En grandissant, sa foi s’est développée. Elle découvre peu à peu qu’elle veut être : " … prêtre, diacre, apôtre, docteur, martyr". En rentrant au Carmel, elle désire prouver son Amour au Christ qui l’appelle à donner sa vie pour le monde.). Au terme d’une heure, s’enchainèrent les laudes chantées comme toujours durant lesquelles j’élevais mon âme vers notre Seigneur dans la joie. Je vivais un grand bonheur intérieur me transfigurant peut-être ! Trente minutes plus tard, je rejoignais le petit réfectoire où je prenais mon petit déjeuner seule. Après m’être alimentée de nourriture terrestre, je débarrassais ma table, faisais ma vaisselle, rangeais et passais un coup de balai dans la pièce. Je regagnais mon lieu de retraite ataraxique. Frère innocent m’avait fixée rendez-vous à 11H. Je me rendis compte que j’avais perdu mon alliance. Je retournais à « Notre Dame de Cana » pensant l’avoir égaré dans la poubelle. La cuisinière m’aida à la chercher puis nous ne l’avons pas trouvée. Elle me conseilla de regarder dans mon lit. De retour dans ma chambre, j’inspectais ma couche et n’y dénichais rien. Puis je regardais dans mon sac de voyage et miracle ! Elle avait glissée de mon doigt et était tombée à l’intérieur, j’étais soulagée. Je reprenais ma lecture mystique d’un profond enrichissement spirituel à la pauvre chrétienne que je m’avérais. Lors de l’entretien avec frère Innocent, je lui lus « L’histoire d’une conversion réussie » relatant mon cheminement jusqu’au baptême. Il fut impressionné par mon texte et me suggéra très judicieusement de modifier un peu le titre car la conversion s’avère perpétuelle. Puis le moine me conseilla d’envoyer ma narration au service du catéchuménat (personnes se préparant à recevoir le baptême) du diocèse de mon lieu de baptême et de mon lieu de résidence et de raconter ma préparation personnelle en vue du sacrement de confirmation car bon nombre d’adultes se font baptiser et ne persévèrent pas une fois lâchés face à Dieu. Mon expérience pourrait servir de témoignage aux catéchumènes ou aux jeunes chrétiens. Nous parlions à propos de la foi. J’avais exposé la requête de rencontrer une moniale. Cet intéressant partage se poursuivait par l‘office de Sexte, chanté, me déconnectant du monde. La messe était servie par père Geoffroy Marie durant laquelle je participais à l’eucharistie. Le corps de Dieu s’unissait à moi une fois encore dans un esprit de grande adoration.

UN CHEMIN VERS DIEU (5)

Au bout d’une heure s’ensuivirent les vêpres pendant lesquelles je chantais les psaumes comme si j’étais consacrée, dans ce climat dégagé par les chants a capella. Je vibrais à l’unisson. Trente minutes plus tard, en longeant le mur pour me rendre au grand réfectoire, mon regard fut attiré par un texte apposé sur celui-ci concernant le silence. L’auteur était la grande mystique Marthe Robin (1902-1981) que j’affectionne particulièrement qui vivait à Châteauneuf de Galaure, dans le département de la Drôme. Pour elle, chaque jeudi, commençaient les souffrances de la Passion. Ainsi que les attaques du démon. Mais irrémédiablement, Marthe Robin entrait ensuite dans une phase d’identification totale avec Jésus, et parlait au Père... puis entrait dans une extase profonde. Avec le Père Georges Finet, elle fonde les Foyers de Charité, dont le premier à Châteauneuf de Galaure en septembre 1936.
Sa prière sur le silence se révélait la suivante :
« O ma Sainte et Bonne Mère ! Donnez-moi, donnez à tous de comprendre la grande valeur du silence dans lequel on entend Dieu ! Apprenez-moi à me taire pour écouter la Sagesse éternelle. Apprenez-moi à tirer du silence tout ce qu'il renferme de grand, de saint, de surnaturel, de divin. Aidez-moi à en faire une prière parfaite, une prière toute de foi, de confiance et d'amour. Une prière vibrante, agissante, féconde, capable de glorifier Dieu et de sauver les âmes ! »
Ma vie vaudra ce que vaudra mon oraison.
Sa demande m’interpellait et m’émouvait à la fois puis je me ressaisis et pénétrais dans ce grand réfectoire manquant de chaleur. Un frère bénissait le repas puis nous mangions sur une table monastère dans le silence et l’écoute du frère Côme Emmanuel lisant un passage de la charité dans le service apostolique. A 20H, je finissais mon repas. Un moine remerciait pour cette nourriture terrestre. J’aidais à débarrasser. A 20H15, l’office des complies (dernière prière avant le sommeil pour que l’œuvre de Dieu soit entièrement accomplie) achevait la journée dans l’allégresse. Il était 20H45 et je remontais dans la nuit en ayant les ailes de la colombe, en m'envolant, en ayant trouvé le repos vers « Montjoie » après avoir souhaité bonne nuit à frère Innocent. J’arrivais dans ma chambre et poursuivais ma narration.

UN CHEMIN VERS DIEU (4)

Après ce partage de 45 minutes, frère Innocent allait sonner la cloche pour sexte (office des quatre petites heures célébré vers 12H). Je rejoignais la chapelle, trempais mon doigt dans l’impressionnant bénitier avant d’entrer. Je saisissais le recueil de chants et le livre de messe et suivais consciencieusement l’hymne et les psaumes. Les chants des frères envahissaient la chapelle et m’ascensionnaient déjà à la droite du Père, je goûtais un moment de béatitude. S’ensuivit la messe servie par frère Innocent aidé de deux autres moines pour les lectures. Quelques laïcs y assistaient ainsi que des moniales. Deux religieux distribuaient l’eucharistie et posaient l’hostie consacrée sur la langue de chaque enfant de Dieu. Je recevais, comme à l’accoutumée, avec émotion le corps du Christ m’imaginant fusionner avec lui avec une telle intensité ! Et la liturgie poursuivait son cours jusqu’à 12H45. Je restais encore quelques instants contempler la vierge à l’enfant en me remémorant le texte de Paul Claudel « La vierge à midi ».
Il est midi. Je vois l'église ouverte. Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n'ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête.
Midi !
Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
Ne rien dire, regarder votre visage,
Laisser le cœur chanter dans son propre langage.
Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu'on a le cœur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains.
Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
La femme dans la Grâce enfin restituée,
La créature dans son honneur premier et dans son épanouissement final,
Telle qu'elle est sortie de Dieu au matin de sa splendeur originale.
Intacte ineffablement parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance et le seul fruit.
Parce que vous êtes la femme, l'Eden de l'ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le cœur tout à coup et fait jaillir les larmes accumulées,
Parce que vous m'avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu'elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu'à l'heure où tout craquait, c'est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,
Parce qu'il est midi, parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui,
parce que vous êtes là pour toujours, simplement parce que vous êtes Marie, simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !
Puis il était 13H, l’heure du repas du milieu du jour. Je mangeais exceptionnellement toute seule dans le petit réfectoire car les moines avaient organisé un déjeuner débat sur le film « Des hommes et des dieux ». La nourriture s’avérait plutôt copieuse mais je me débattais avec le four à micro ondes d’une utilisation un peu particulière. Quand je vis le frère Innocent passer dans le couloir, je lui fis signe de venir me voir pour m’expliquer le fonctionnement du four. Je lui dis en plaisantant « votre four ne m’aime pas ». Il mit un certain temps avant de le mettre en marche et comme j’avais programmé trop longtemps, le plat a éclaboussé tout l’intérieur de cette maudite machine ! Pour réchauffer les légumes, je me suis excitée sur le four, frère Innocent est venu à ma rescousse et finalement j’ai avalé mes petits pois à peine tièdes. Avant la fin du repas, le père prieur passait me voir et me sortit « on vous a abandonné lâchement » puis il s’enquérait si ma retraite se déroulait bien. On sentait un homme issu d’un milieu bourgeois, cultivé et empreint de Dieu. Après m’être sustentée, je jetais à la poubelle les déchets alimentaires, je débarrassais la table, j’effectuais la vaisselle, je l’essuyais, la rangeais et préparais les tables pour le diner. Je remontais dans mon lieu de retraite et ouvrais mon carnet pour y consigner la suite de mon programme; Je reprenais ma passionnante lecture sur « L’itinéraire spirituel de Dom Chautard » dans l’attente de l’Adoration se déroulant à 18H. Depuis la veille, j’avais l’impression que le temps avait suspendu son vol. Je quittais « Montjoie » à 17H15 et parvenais à « Notre Dame de Cana » à 17H25. Je pénétrais dans la chapelle en ayant trempé mon doigt dans l’amphore au préalable. Je portais dans mes prières mes chers défunts et demandais à Dieu de me réconcilier avec ma mère adoptive envolée dans sa demeure céleste depuis 2003, de conserver en bonne santé ma maman rumillienne, de changer le cœur du fils de mes voisins avant leur départ dans l’autre monde et de protéger mon petit psychiatre sur son parcours en direction de Nancy ville du département de la Meurthe-et-Moselle. J’attrapais le recueil des chants de la communauté afin d’y lire des textes et me laissais porter par leurs messages. Au terme de quelques lectures, j’entrais en communion avec Dieu et mon âme jubilait en mon Dieu. J’avais atteint l’extase mystique !

UN CHEMIN VERS DIEU (3)

Le jour suivant, je me levais à 6H et me préparais pour l’oraison de 6H45. Je me lavais, m’habillais, faisais mon lit et abandonnais « Montjoie » dans le noir, vers 6H30, pour aller à « Notre Dame de Cana ». La nuit m’enveloppait. Une petite fraîcheur me saisissait et m’était agréable tout à la fois. Arrivée au prieuré, j’apercevais une lumière un peu blafarde venant d’une fenêtre et je poursuivais mon chemin pour atteindre la galerie vitrée afin d’entrer dans l’espace où le silence est de mise. Je m’avançais vers la chapelle, trempant mon doigt dans l’énorme amphore à usage de bénitier placé à côté de la porte et pénétrais doucement dans cet intime lieu de prière. Quelques frères arrivèrent peu après pour ce magnifique temps de cœur à cœur avec le Seigneur. Durant ce dialogue personnel avec mon père céleste, où je le glorifiais, je le louais, le remerciais, je lui demandais de me rendre plus humble, moins colérique et de me montrer le chemin pour mes années futures et de prendre dans sa grande charité mes proches et mes amies. Au terme d’une heure de cette merveilleuse louange, les moines chantaient d’une foi fervente les laudes (office coïncidant en principe avec le lever du jour, louange du matin, pour consacrer à Dieu les premiers mouvements de notre âme et de notre esprit, afin que nous n’entreprenions rien avant de nous être réjouis à la pensée de Dieu.) à 7H30 me rapprochant de l’état extatique. ! Je puisais dans la parole de nouvelles forces afin d’avancer sur le chemin vers Dieu. Trente minutes plus tard, malheureusement, je prenais mon petit déjeuner toute seule dans un petit réfectoire se trouvant en sous-sol où le frère hôtelier avait tout préparé au préalable. Je mangeais légèrement, nettoyais toutes les tables de la salle et faisais ma petite vaisselle avant de retourner à « Montjoie ». A 11H je rencontrais frère Innocent en charge de l’accompagnement de ma pauvre âme. Revenue dans ma chambre, j’écrivais la suite de ma retraite, lisais l’extrait du livre « Vivre sa spiritualité au quotidien » concernant la bénédiction et qui concluait ainsi « Il est impossible de bénir et de juger. Alors maintenez en vous ce désir de bénir comme une incessante résonance intérieure et comme une perpétuelle prière silencieuse, car ainsi vous serez de ceux qui procurent la paix, et, un jour, vous découvrirez partout la face même de Dieu ». Puis je reprenais ma lecture mystique que je délaissais au chapitre 9. A 10H45, je partais de « Montjoie » et rejoignais « Notre Dame de Cana ». J’attendais un peu devant l’accueil le frère Innocent. Il arriva et s’excusa de son retard et m’emmena dans un petit parloir à l’atmosphère plutôt assez intime. Je lui posais des questions sur lui et sur sa communauté. Pénétré de Dieu, le moine me racontait que avant d’intégrer le monastère, il avait tenu le rôle d’aumônier dans la marine durant de longues années. Le religieux m’expliquait que la communauté Saint-Jean était constituée en « Famille Saint-Jean » dont les membres étaient regroupés en quatre branches les frères et sœurs apostoliques (œuvrant à propager la foi chrétienne dans la lignée des apôtres), les sœurs contemplatives (portées à l'introspection et à la méditation mystiques) et les oblats ( personnes entrées dans une communauté religieuse au profit de laquelle elles ont renoncé à leurs biens, mais qui demeurent laïques). Les frères et sœurs sont répartis sur quatre continents en une centaine de petits prieurés composés chacun de sept membres. Le prieuré de Troussures abrite une communauté de sœurs contemplatives et une communauté de frères, menant une vie religieuse selon l’esprit de Saint-Jean l’évangéliste (auteur de l'une des quatre versions de la vie du Christ contenues dans le Nouveau Testament). Saint-Jean est l’apôtre bien-aimé du Seigneur, le seul présent au pied de la Croix où il reçoit Marie pour mère. La vie des frères et sœurs est une vie de prière, d’études et de charité fraternelle qui s’ouvre, pour les frères, à une mission apostolique reçue de l’évêque de Beauvais, celle d’animer un centre de retraites spirituelles. Les prédicateurs sont essentiellement des frères de la Communauté Saint-Jean. Les enseignements sont donnés dans la lumière des trois sagesses philosophique, théologique et mystique pour que l’intelligence de la foi soit mise au service d’une vie d’amour dans le Christ. Peu à peu le moine déviait sur d’autres communautés religieuses. Je lui soumettais mon désir, dans un avenir lointain, de devenir moniale mais il m’expliquait que l’âge serait un obstacle et de me tourner plutôt vers les oblates ou les veuves de l’église sur le diocèse mais cela ne correspondait pas à ce que j’envisageais. Je souhaitais tellement vivre avec mes sœurs l’Amour de notre Père céleste jusqu’au bout !

UN CHEMIN VERS DIEU (2)

Comme il est dit au verset 9 du chapitre 11 du livre de Luc de la Bible « frappez, et l'on vous ouvrira. », il était 15H, je frappais à la porte du prieuré « Notre Dame de Cana », s’avérant un ancien château et un moine m‘ouvrit. Je me présentais et il me répondit « on vous attendait » puis il me dirigea vers le moine s’occupant de l’accueil. Il s’appelait Frère Côme Emmanuel et était originaire du Bénin. Ce religieux m’expliqua certains détails au sujet de ma retraite et me confia au frère Innocent en charge entre autres de l’hôtellerie et de l’accompagnement spirituel. Il me conduisit à ma chambre qui se trouvait dans un bâtiment appelé « Montjoie », quel nom évocateur, situé à quelques mètres de « Notre Dame de Cana ». L’intérieur était tout neuf et accueillant et ma chambre se révélait spacieuse avec un coin salle de bains. Une importante fenêtre dotée de grands carreaux agrémentée de rideaux rayés rouges et blancs donnant sur le parc offrait une luminosité généreuse égayant la pièce. Un lit une place en bois clair, une table en bois clair d’une belle taille et sa chaise assortie, un fauteuil en tissu couleur crème, le sol était moquetté et pour toute décoration une icône, une bible un petit vase garni de trois chardons bleus et trois épis de blé et une croix en bois clair déformée. Un tapis de prière était posé dans un coin de la chambre. Après le départ de frère Innocent, j’enlevais mon manteau et parcourais la documentation concernant l’hôtellerie posée sur la table. J’entreprenais de faire mon lit et préparer mes affaires pour la nuit. Je sortais de mon sac de voyage mon livre, mon carnet et mon stylo. Je lisais cinq chapitres de « L’itinéraire spirituel de Dom Chautard » et découvrais avec enchantement la vie exceptionnelle d’un moine cistercien (du nom de la célèbre abbaye fondée à Cîteaux, située dans la commune de Saint-Nicolas-lès-Cîteaux dans le département de la Côte-d’Or, la réforme cistercienne avait pour but un retour à une observance plus exacte de la Règle de Saint-Benoît, d’où une ascèse plus grande et une pauvreté plus stricte.). Je quittais « Montjoie » pour rejoindre le prieuré. Dans la chapelle, je m’installais sur un banc et restais un long moment en prière d’action de grâces. Je ressortais dans l’espace où le silence s’avère de rigueur et je contemplais par la galerie vitrée une parcelle du parc dans l’attente de l’heure de l’Adoration du Saint Sacrement : adorer Dieu qui est là devant nous, se laisser enseigner par cette présence et, si l’Esprit Saint nous l’inspire, lui dire notre amour en lui révélant le fond de notre cœur, avancée exceptionnellement d’une demi-heure car les moines devaient, ce soir après le dîner, se rendre à Beauvais, préfecture de l’Oise, située à 12 kilomètres, voir au cinéma un film circonstanciel « Des hommes et des dieux » du réalisateur Xavier Beauvois. 17H30 sonna et je retournais dans cette chapelle sobre et lumineuse. J’avais un cœur à cœur avec Dieu devant ce Saint Sacrement doré posé sur l’autel, dans un profond silence. Puis succédèrent les vêpres, office du soir en remerciement pour les grâces reçues en cette journée qui s’achève. Mon accompagnateur m’avait expliquée sur le tableau le fonctionnement du choix des psaumes (poèmes sacrés récités ou chantés constitués d'une suite de versets) et parallèlement montrée un guide reprenant les différentes messes de chaque jour de la semaine. Les religieux chantaient à l’unisson et a capella. Leur chœur prenait aux tripes. J’étais aux anges, transportée près du Père un court laps de temps. Une impressionnante communion se dégageait de ces moines. Avant le pique-nique dînatoire en guise de repas, chacun avait effectué une courte prière silencieuse escortée d‘un signe de croix, la bonne humeur régnait et les moines ne manquaient pas d’humour ! Après chaque religieux remerciait intérieurement accompagné d’un signe de croix rapidement le Seigneur pour cette nourriture. Je regagnais « Montjoie » heureuse du déroulement de l’après-midi. Je m’avérais la seule retraitante à partager la vie de silence et de prière des sept moines Dans ma chambre, je lisais un peu et priais une dernière fois avant de me laisser gagner par le sommeil.

UN CHEMIN VERS DIEU (18 avril 2011)


Depuis plusieurs mois, j’émettais le souhait d’accomplir à nouveau une retraite spirituelle pour partager la vie de moniales dans la prière et le silence afin d‘entrer dans un climat de recueillement, de paix et de faire le point sur ma vie. Après avoir effectué quelques recherches dans le département de l’Oise, je dénichais le Monastère du Carmel Saint-Joseph situé à Beauvais. J’étais contente de trouver un ordre contemplatif pour m’accueillir. Pour moi l'Ordre du Carmel était porteur d'une tradition spirituelle riche, qui a une grande importance pour l'Église catholique tout entière, notamment grâce à plusieurs docteurs de l'Église issus de l'Ordre : Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et Thérèse de l’Enfant-Jésus. Ils sont spécialement connus pour leur enseignement sur l’oraison, très mise en valeur au Carmel. J’appelais le Monastère, une sœur me répondit d’une voix douce que l’ordre n’acceptait pas de retraitantes par manque de place et me dirigea vers la Communauté Saint-Jean à Troussures. Petite bourgade isarienne abritant deux cents âmes, localisée à 18 kilomètres de mon village. Je contactais le prieuré (communauté religieuse catholique dirigée par un prieur (supérieur du monastère)) par téléphone et un moine doté d’un petit accent décrocha. Je lui exposais ma requête et il m’affirma en riant que leur mission s’avérait l’animation de recollections spirituelles à thèmes ou l’accueil de retraitants individuels. Ce frère ponctuait toutes ses phrases par le terme « génial ». Sa réponse me combla et je lui proposais une date. Cette période se révélait déjà prise par une session de groupe. Je lui suggérais à partir du 28 septembre 2010 jusqu’au 1er octobre 2010. Le frère vérifia son agenda et me confirma l’éventualité de cette semaine. Les jours s’écoulèrent et la veille de mon départ je mettais dans ma petite valise ma bible, un extrait du livre « Vivre sa spiritualité au quotidien » de Pierre Pradervand offert par mon amie Jacqueline et « L’itinéraire spirituel de Dom Chautard » de Bernard Martelet. Je déposais sur la table de travail de mon tendre époux le dernier écrit que je venais d’achever relatant notre voyage Rhône-alpin agrémenté d’une douce dédicace. Le jour J, mon rendez-vous n’étant qu’à 15H, je passais en revue les derniers détails afin de m’assurer de ne rien oublier. A 14H15, Jacques et moi quittions la Fourmilière car le trajet comportait 18 kilomètres. Nous traversions quelques petites bourgades fort sympathiques fleurant bon la campagne. Sur le chemin on croisait des moniales en train de construire un mur. Enfin apparaissait majestueux le prieuré entouré de son parc étendu.